Enjeux politiques de la réforme du lycée

Une réforme en quête de sens

Au-delà d’une vision technicienne , la philosophie générale de la réforme n’a jamais été précisée. L’enjeu politique consiste aussi à dénoncer ce qui sous tend cette réforme et la vision utilitariste et libérale qu’elle porte.

  • Qu’est ce qui fait la pertinence d’un parcours : les résultats de chaque spécialité à l’épreuve terminale, ou la pertinence du choix de trois, puis de deux spécialités pour se préparer à un cursus post-bac ?
  • Comment le droit à l’erreur et au changement de parcours sera-t-il permis ?
  • Y aura-t-il égale dignité pour chacune des spécialités ou, comme aujourd’hui avec la filière S, des choix plus « utiles » que d’autres ?

Sans réponse claire à ces questions, on assistera à une reconstitution de l’existant avec de nouvelles filières toujours aussi hiérarchisées entre elles et discriminantes

 

Des programmes trop souvent inadaptés à la réalité des élèves et à la logique des parcours

La réforme est aujourd’hui présentée de manière incomplète et les modalités de mise en oeuvre ne répondent pas aux questions suivantes :

  • Les programmes de seconde sont plus lourds, avec des objectifs plus ambitieux, dans le même cadre horaire.
  • Le risque de décrochage d’une partie des élèves, sans autre horizon que le redoublement ou la réorientation, n’est pas anticipé alors qu’il est réel
  • La suppression des enseignements d’exploration ne va pas faciliter la construction des parcours
  • Les programmes de première ne prennent pas en compte les élèves qui abandonneront la spécialité en terminale
  • Les programmes de terminale –et donc leur articulation avec les attendus du supérieur-ne sont pas connus pour l’instant,ce qui pose un problème majeur pour accompagner les lycéens dans leur parcours

 

Un accompagnement affiché, mais négligé

Les 54 heures d’aide à l’orientation relèvent pour l’instant de l’affichage, elles ne figurent pas dans l’emploi du temps des élèves et ne sont pas financées dans la DGH.

  • La disparition totale du fléchage de moyens pour l’accompagnement personnalisé remet en cause les stratégies d’accompagnement et de remédiation en direction des élèves
  • La reconnaissance de la mission de professeur principal n’a été consolidée qu’en terminale alors que cette mission s’est alourdie à tous les niveaux du lycée, en particulier en seconde avec le choix des spécialités

 

Une formation qui n’a pas été anticipée

  • L’expérience de la réforme du collège montre qu’une année de formation préalable est nécessaire mais pas forcément suffisante faute notamment de formateurs
  • L’appropriation des nouveaux programmes, de l’articulation entre tronc commun et spécialités, des nouvelles modalités d’évaluation et de la logique de parcours, nécessite des plans de formation nationaux et académiques
  • L’enseignement des sciences numériques et technologie pose clairement un problème de ressources humaines que pour l’instant le ministère minimise

 

Des moyens insuffisants pour garantir le choix des élèves

► La réforme du lycée repose sur le principe du libre choix des élèves, ce qui implique:

  • Des moyens en matière d’accompagnement qui à ce jour ne sont pas garantis
  • Des moyens pour créer un nombre suffisant de groupes de spécialités qui ne sont pas non plus garantis

► Pour que le choix des spécialités par élèves (et leurs familles) soit effectif, les établissements doivent organiser les emplois du temps à partir du choix des élèves et non en amont avec des combinatoires préalables imposées par classe

 

Quid de l’évaluation ?

  • Le calendrier des épreuves du contrôle continu du bac annonce une accentuation des travers du lycée actuel, à savoir la pression de l’examen et l’intensification du travail des personnels
  • Il est nécessaire d’ouvrir sans délai des concertations sur la nature et les modalités de passage des épreuves terminales, en particulier celle du grand oral
  • Prendre le temps du débat en identifiant ce qui relève de l’évaluation pour les apprentissages et de la certification pour le diplôme, en définissant les modalités les plus appropriées pour chacun des deux

 

La question cruciale des postes

Le ministre ne fait pas mystère d’aligner le « coût » du lycée (10800 euros par élève) sur la moyenne de l’OCDE (7347 euros), le lycée français consommant nettement plus de moyens que celui des autres pays: il veut donc supprimer des postes.

►C’est ainsi que 2650 postes sont supprimés à la rentrée 2019, mais pas au collège où 30000 élèves supplémentaires sont attendus, obligeant le ministre a trouver 2000 postes en plus

►Les suppressions de postes seront plus ou moins importantes selon les académies (Nord et Est particulièrement touchés)

Toutes les disciplines ne sont pas touchées à égalité. Pour baisser le coût du lycée, le ministre diminue l’offre éducative : les enseignements optionnels ne sont plus financés, chaque établissement devant prendre sur ses propres moyens, d’où une aggravation des inégalités sociales et territoriales

►Les textes n’imposent pas une offre scolaire minimum dans chaque lycée: chaque recteur va pouvoir proposer une offre adaptée à sa situation réelle d’effectifs enseignants au lieu de faire le contraire

L’offre scolaire va fortement varier selon les lycées, d’où un encouragement à la concurrence entre les lycées, les établissements les plus recherchés étant mieux dotés que les autres

 

Résumé des enjeux

Inégalités territoriales

  • risque d’aggravation
  • dans l’ancien système, tous les jeunes y compris en milieu rural pouvaient choisir entre S,L,ES ou STMG (Sciences et Technologie du Management et de la Gestion)
  • avec la réforme, les élèves n’ont le choix qu’entre 7 spécialités sur 12 existantes : les 5 autres ils en sont privés

Concurrence entre disciplines

  • Baisse des heures d’enseignement : choix à faire : supprimer des matières ou faire des demi-groupes

Orientation

  • 54h d’orientation pas financées: les lycées vont devoir choisir en l’orientation ou les demi-groupes

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